Cinq politiques clés pour promouvoir l'électrification du transport routier dans les marchés en développement

Le transport routier représente environ 18 % des émissions mondiales de _CO2 et est responsable d'une part importante de la pollution atmosphérique urbaine, car environ 94 % de sa consommation énergétique mondiale repose sur les combustibles fossiles. La décarbonation de ce secteur nécessite une électrification accélérée des véhicules légers, des bus, des camions et des deux et trois-roues, combinée à un développement des infrastructures de recharge et de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables.

Pour que le monde soit sur la bonne voie pour atteindre les objectifs climatiques de l'Accord de Paris, le parc de véhicules électriques (VE) devrait être multiplié par huit au cours des cinq prochaines années . D'ici 2050, les VE devraient représenter plus de 90 % du parc automobile mondial. En 2024, on comptait un VE sur cinq vendus. À la fin de cette année-là, les ventes mondiales de VE avaient dépassé les 17 millions , contre seulement 650 000 en 2015. La plupart des VE et des bornes de recharge sont déployés en Chine, en Europe et aux États-Unis, tandis que la majorité des marchés en développement restent à la traîne en raison des obstacles existants.

Un obstacle majeur réside dans le fait que les véhicules électriques et les infrastructures de recharge sont actuellement hors de portée des marchés en développement, aggravé par un accès limité aux capitaux et aux financements. Des politiques ciblées peuvent lever ces obstacles et d'autres, notamment des mesures financières et fiscales susceptibles de contribuer à améliorer l'accessibilité financière des véhicules électriques et des bornes de recharge.

Voici cinq politiques et mesures visant à permettre et à accélérer l’électrification du transport routier dans les pays en développement :

1. Fixer des objectifs ambitieux pour les véhicules électriques et les infrastructures de recharge

   L'adoption d'objectifs ambitieux de ventes de véhicules électriques constitue un levier important pour favoriser la transition. Fondés sur la prise en compte des ressources disponibles et du contexte local, ces objectifs nationaux ou infranationaux peuvent envoyer des signaux clairs aux investisseurs, aux acteurs industriels et aux consommateurs potentiels, tout en orientant les investissements dans les infrastructures nécessaires et en renforçant la confiance du marché.

   De nombreux pays et villes ont annoncé de telles ambitions. Le Cap-Vert s'est fixé comme objectif d'atteindre 100 % de véhicules électriques pour les nouvelles voitures particulières d'ici 2035. De même, le Chili a adopté des objectifs de ventes de 100 % de véhicules électriques pour les voitures et les bus publics d'ici 2035. La province de Hainan (Chine) s'est fixée comme objectif d'atteindre 100 % de véhicules électriques pour les ventes de voitures particulières d'ici 2030, visant à ce que 45 % de toutes les voitures de l'île soient électriques à cette date.

2. Promouvoir la mobilité durable dans les villes

   La croissance rapide des populations urbaines dans les marchés en développement entraînera une intensification des transports et une augmentation de la pollution atmosphérique urbaine liée aux combustibles fossiles. Une mobilité urbaine durable nécessite non seulement l'électrification des véhicules, mais aussi la réduction de la conduite individuelle. Pour promouvoir une mobilité durable, les villes peuvent adopter diverses politiques et mesures . Par exemple, promouvoir un développement urbain mixte ou un aménagement urbain compact afin de réduire les besoins en déplacements urbains. Lorsque la conduite individuelle est inévitable, les villes peuvent également mettre en œuvre des mesures adaptées au contexte, telles que des restrictions de plaques d'immatriculation, des quotas de véhicules, des zones à faibles émissions et des réglementations de stationnement public. Des incitations peuvent également être mises en place pour encourager l'utilisation de véhicules électriques, stimulant ainsi la demande sur le marché.

3. Mobiliser le financement du développement pour les projets de transport public électrique

   Les systèmes de transports publics modernes offrent une option plus économe en énergie que la voiture individuelle et demeurent l'option la plus abordable et la plus durable pour les collectivités et les ménages qui ne peuvent se permettre de posséder une voiture. Ils offrent aux citoyens davantage d'opportunités d'éducation, d'emploi et d'autres activités économiques, jouant ainsi un rôle crucial dans le développement durable.

   L'acquisition de flottes de bus électriques et des infrastructures de recharge associées dépasse souvent les capacités financières des pays en développement. Dans ce cas, le financement des banques de développement ou des institutions multilatérales de développement peut être utilisé pour soutenir le déploiement de bus électriques et des infrastructures de recharge correspondantes dans ces pays.

   À Bogota (Colombie), la Banque interaméricaine de développement a accordé des prêts pour le remplacement des bus diesel par des bus électriques. À Dakar (Sénégal), la Banque mondiale a financé le déploiement d'un système de bus à haut niveau de service entièrement électrique. En Inde, la BAsD et la BAII ont accordé des prêts pour soutenir l'acquisition et la maintenance de 650 bus, ainsi que les infrastructures de recharge associées.

4. Soutenir des modèles économiques innovants pour les véhicules électriques à deux et trois roues

   Les véhicules électriques à deux et trois roues sont plus abordables que les voitures. Ils jouent un rôle important pour répondre aux besoins de transport essentiels des populations sur les marchés en développement, tels que les déplacements quotidiens, les taxis et les livraisons. De plus, ils offrent des opportunités de développement industriel grâce à la production et à l'assemblage de véhicules localisés.

   Cependant, l'accessibilité financière et le financement de ces types de véhicules peuvent s'avérer difficiles sur les marchés en développement. Des modèles économiques innovants, notamment la location et l'échange de batteries, peuvent répondre aux coûts initiaux élevés et apaiser les inquiétudes des consommateurs quant à l'entretien ou à la dégradation des batteries.

   Au Kenya et en Thaïlande , l'échange de batteries rend les deux-roues électriques plus rentables que leurs homologues à carburant fossile. En Chine, les réseaux d'échange de batteries ont permis aux livreurs de recharger complètement leurs deux-roues et tricycles en moins d'une minute.

5. Répondre aux besoins des groupes vulnérables touchés par le processus de transition

   Sur les marchés en développement, le passage aux véhicules électriques pourrait affecter les groupes marginalisés qui dépendent de la chaîne de valeur du transport routier basé sur les combustibles fossiles et qui pourraient ne pas être en mesure de supporter les coûts d'achat élevés des alternatives électriques. Ces groupes – qui comprennent les petits opérateurs de services de transport et les travailleurs indépendants – pourraient également subir une baisse significative de leurs revenus pendant la transition, entraînant la perte de leurs moyens de subsistance pour certaines personnes et familles .

   Pour soutenir ces groupes et répondre à leurs besoins, les décideurs politiques devraient recourir à un processus de consultation et de renforcement de la confiance plus inclusif, impliquant les groupes vulnérables travaillant dans les secteurs formel et informel. Un processus inclusif, prenant en compte les besoins et les points de vue de chacun, peut déboucher sur des plans abordables et accessibles qui garantissent les moyens de subsistance des populations et une transition juste vers des transports durables.