Que deviennent les vêtements que nous jetons ? Un décret royal établit les nouvelles règles du jeu. Par Sònia Flotats, directrice de Move! Fashion in Motion.

Sònia Floatats, réalisatrice de Move! La mode en mouvement
Vous êtes-vous déjà demandé ce qu'il advient des vêtements que vous jetez ? Si vous les déposez dans la poubelle de collecte des vêtements usagés, une entreprise de gestion des déchets textiles les gérera de manière optimale, en fonction de leur état et de leurs matériaux de fabrication. Dans le meilleur des cas, ils seront vendus dans des friperies en Espagne ou à l'étranger, ce qui prolongera leur durée de vie, créera des emplois et développera les économies. Dans le pire des cas, ils seront brûlés pour exploiter la chaleur générée et produire de l'énergie. Cette solution est la dernière dans la hiérarchie des déchets, qui privilégie des options telles que la prévention, la réutilisation et le recyclage, laissant la valorisation énergétique parmi les alternatives les moins attractives. Si, au contraire, vous décidez de les jeter à la poubelle, dans la poubelle traditionnelle, ils finiront enfouis ou incinérés, car, mélangés à tous les autres déchets, ils sont pratiquement impossibles à gérer.
Le problème est qu’en Espagne, seulement 12 % des déchets textiles sont collectés séparément, probablement à cause de la fausse croyance selon laquelle les vêtements que nous jetons dans la poubelle à vêtements sont ceux que nous donnons aux personnes dans le besoin, et donc seuls les vêtements en parfait état peuvent y être placés.
Afin de progresser dans ce domaine et de répondre aux exigences de l'Union européenne, le gouvernement espagnol vient de publier un projet de décret royal visant à réglementer la gestion des déchets textiles et de chaussures dans notre pays. Ouvert à la consultation publique jusqu'au 4 septembre , son approbation définitive est prévue pour fin 2025 ou début 2026. La situation actuelle est donc cruciale pour que toutes les parties prenantes soient entendues et pour l'approbation d'un document ambitieux, mais réaliste et motivant.
La première disposition de ce règlement est que, comme c'est déjà le cas pour les emballages, le verre et le papier, les entreprises qui commercialisent ces produits doivent prendre en charge le financement de l'ensemble de la gestion de ces déchets, depuis la collecte, le tri, la préparation en vue de leur réutilisation, le recyclage et l'élimination des produits une fois jetés par le consommateur. Cela garantira une gestion professionnelle des déchets. En effet, les organisations qui gèrent actuellement ces déchets, dont beaucoup sont liées à l'économie sociale, expriment depuis longtemps leurs inquiétudes quant à la non-durabilité économique du système actuel de collecte des textiles.
Pour organiser efficacement toute cette gestion, les entreprises qui mettent sur le marché des vêtements ou des chaussures doivent adhérer à un système de déchets, un système de responsabilité élargie des producteurs, les « Ecoembes del textil » (Ecoembes du textile), auquel elles contribueront financièrement en fonction du poids et, le cas échéant, de la quantité de produit qu'elles mettent sur le marché.
Des objectifs ambitieux pour 2030 et 2035De plus, cette taxe devrait inclure des réductions pour les vêtements et chaussures mieux conçus en termes de durabilité, tels que l'utilisation de matières premières recyclées, la durabilité ou la fonctionnalité. L'objectif du décret royal est de porter le taux actuel de collecte sélective de 12 % à un minimum de 50 % d'ici 2030 et de 70 % d'ici 2035. Ces pourcentages sont véritablement ambitieux, d'autant plus qu'en France, où la ferraille est présente depuis 2008, seulement 32,4 % sont collectés séparément. De plus, l'objectif est de garantir que 20 % de ces vêtements collectés seront gérés en vue de leur réutilisation d'ici 2030 et 35 % d'ici 2035, autrement dit que leur vente d'occasion sera facilitée.
Le décret royal, qui prévoit la mise en place d'un processus entièrement nouveau pour la gestion des vêtements et des chaussures jusqu'à la fin de leur vie utile, a suscité de vives critiques dans le secteur. Tout d'abord, en raison du retard pris dans son approbation : alors que les municipalités sont tenues de disposer d'un système de collecte des déchets depuis le 1er janvier, les entreprises attendent depuis des mois des précisions sur leurs obligations spécifiques pour ensuite définir les modalités de ce nouveau système.
Le secteur, en général, se sent ignoré par l'administration, en raison de certains aspects tels que l'obligation de financer dès le départ (contrairement à ce qui s'est produit les années précédentes dans d'autres secteurs) le tri des textiles qui finissent dans le conteneur gris en raison d'une mauvaise gestion des utilisateurs. Des critiques sont également formulées quant au fait que le décret n'aborde pas la valorisation des vêtements, pourtant essentielle à la pérennité de ce nouveau système.
À cet égard, un autre point très controversé de ce projet de décret royal est l'obligation pour les magasins de vêtements de plus de 400 mètres carrés de réserver un espace à la vente de vêtements d'occasion. Une partie du secteur considère qu'il s'agit d'une mesure très générale, car si elle peut fonctionner dans certains contextes – certaines marques le font déjà –, dans d'autres, elle ne constitue pas la meilleure option pour commercialiser ces vêtements. Dans ces cas, il pourrait être plus efficace de réorienter ces ressources vers la gestion des déchets, voire vers des campagnes de communication. Les déchets auront également pour fonction de sensibiliser le public à l'impact environnemental de la consommation de vêtements, avec un objectif tout aussi ambitieux de réduire le volume des déchets textiles de 5 % d'ici 2030 et de 10 % d'ici 2035 par rapport aux chiffres de 2027.
Et qu'adviendra-t-il de tous les vêtements collectés mais non réutilisés ? L'idée est de les recycler, idéalement en nouvelles fibres pour la production de nouveaux vêtements ou comme matière première recyclée pour d'autres secteurs comme la construction. Mais pour y parvenir, d'importants efforts de recherche et développement sont encore nécessaires, ce qui, selon l'arrêté royal, doit également soutenir la gestion des déchets. En réalité, le document ne fixe même pas d'objectifs de recyclage, reportant la décision à cinq ans après la mise en service du système.
Quoi qu'il en soit, et en attendant l'approbation du décret royal, les principaux acteurs de la mode espagnole y travaillent depuis un certain temps déjà. Depuis 2023, et bien que ce ne soit pas obligatoire, ils se sont organisés en deux groupes de travail, Re-viste et Gerescal, où ils discutent, analysent d'autres modèles européens et mènent des tests pilotes afin de développer un système permettant une gestion optimale des déchets textiles. Certaines marques ont même commencé à collecter des vêtements usagés dans leurs propres magasins ou à lancer des collections capsules avec du fil recyclé provenant de vêtements déjà collectés.
Dans ce contexte, il est essentiel que l'administration publique soit à l'écoute et tienne compte de l'expérience du secteur de la mode, qui a déjà commencé à s'organiser, et de celle des organisations qui gèrent les déchets textiles depuis des années. Seule cette véritable collaboration permettra de construire un système efficace, équitable et durable, nous permettant de répondre avec ambition, mais aussi réalisme, aux défis posés par la gestion des déchets textiles dans notre pays.
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