SOS : Une révolution alimentaire globale est urgente. Par Eva Saldaña, directrice exécutive de Greenpeace Espagne.

Par Eva Saldaña, directrice exécutive de Greenpeace Espagne

L'alimentation est un droit humain universel, et non un prétexte au profit de quelques-uns au détriment du bien commun. Face à l'accélération de la crise climatique, la transition énergétique, malgré ses imperfections, est au moins en marche. Mais elle est malheureusement insuffisante si l'autre transition à venir , la transition alimentaire, n'est pas abordée . Il est urgent de se demander : que mangerons-nous en 2050 ? Qui produira notre nourriture ? Sur quel sol et avec quelle eau sera-t-elle cultivée ? Restera-t-il quelque chose de vivant dans la mer ?

Il existe une grave crise alimentaire mondiale, où les limites planétaires dépassées, notamment l'urgence climatique et la perte de biodiversité, sont étroitement liées à une crise économique et de la dette, à une crise sanitaire et à une crise géopolitique. Tout cela favorise un système fragile, fortement dépendant des ressources importées, ce qui le rend vulnérable et peu autosuffisant. Le système alimentaire actuel est déconnecté du territoire , ce qui génère des impacts négatifs sur les écosystèmes, les zones rurales, la santé humaine et le bien-être animal. Il ne parvient pas à s'adapter aux conditions du changement climatique, telles que la hausse des températures et la pénurie d'eau.

Les multiples impacts d'un modèle au bord de l'effondrement

Cela se traduit par un modèle totalement non viable, avec une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, un épuisement des ressources en eau, un accaparement et une exploitation abusive des terres, une destruction des sols, une réduction de la biodiversité et une pollution de l’eau et des sols, une crise de rentabilité pour ceux qui travaillent sur terre et en mer, une détérioration de l’alimentation des consommateurs et une insécurité alimentaire croissante.

Cette situation est entretenue par un cadre législatif et politique qui privilégie des entreprises et des fonds d'investissement de plus en plus grands, pratiquant des modèles intensifs entièrement dépendants d'intrants produits dans des pays tiers et orientant leurs activités agricoles et halieutiques vers des marchés mondiaux dominés par une concurrence inégale fondée sur des critères purement économiques. De cette façon, ils concentrent leur production sur les « marchandises », et non sur l'alimentation. Conséquences : fluctuations des prix, dévaluation du travail du secteur primaire et manque de renouvellement générationnel. Cela affecte également le reste de la population, à travers nos régimes alimentaires, de plus en plus malsains et déterminés par les prix du marché. Nous sommes face à un modèle au bord de l'effondrement.

Signes d’alerte : jusqu’à quand ?

Nous le voyons dans notre vie quotidienne : des cruches d’huile d’olive transformées en produits de luxe alarmants, l’Union européenne perdant près de 40 % de ses petits et moyens agriculteurs en seulement 15 ans, l’Amazonie dévastée par le géant de la viande JBS financé par Santander, le déclin alarmant des pollinisateurs à cause des pesticides, des zones de pêche surexploitées, des villages entiers sans eau à cause de la contamination aux nitrates par les lisiers des méga-fermes, des pêcheurs de coquillages avertissant qu’ils seront la dernière génération, des champs entiers dévastés par DANA en Méditerranée, des semi-remorques bloquant les routes principales dans toute l’Europe, un quart de la nourriture produite pour la consommation humaine allant directement à la poubelle, et plus de 600 millions de personnes confrontées à la faim d’ici 2030.

Mais existe-t-il une solution à cette absurdité ? Oui, même si le système actuel nous a conduits au bord de l'effondrement, nous avons encore le temps d'éviter la chute : il est temps d'agir et de lancer une transition alimentaire globale en Espagne. Et comment ? Avec un modèle durable, équitable, sain et socialement viable.

Nous avons besoin d'une véritable révolution alimentaire . Chez Greenpeace, nous travaillons depuis deux ans, en dialogue direct avec les acteurs engagés de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche, et avec l'aide de la science, à l'élaboration du Modèle alimentaire durable que nous présentons aujourd'hui, avec cinq puissants leviers de changement et 32 ​​propositions pour faire avancer la transition alimentaire globale.

Une production adaptée, une pêche durable et une alimentation saine

Il s'agit d'un modèle qui englobe à la fois la production et la consommation, et qui s'engage vers une approche 100 % agroécologique de la production agricole d'ici 2050, avec des pratiques adaptées à l'environnement local et une utilisation responsable de l'eau, privilégiant les cultures pluviales traditionnelles et les races autochtones . L' absence d'engrais et de pesticides de synthèse, ainsi qu'une réduction drastique de l'élevage intensif, avec une diminution des effectifs porcins et un élevage agroécologique plus extensif , sont également au cœur de ce modèle. Dans le secteur maritime, le modèle s'engage en faveur d'une pêche et d'une aquaculture durables , à faible impact environnemental et à forte valeur sociale. Toutes ces pratiques ont un impact positif sur divers indicateurs socio-environnementaux, notamment la rétention de la population en milieu rural et côtier, la sécurité alimentaire et l'emploi. Elles favorisent également le développement des connaissances bioculturelles nécessaires à une meilleure adaptation au changement climatique et aux conditions biorégionales du climat méditerranéen.

Grâce au modèle proposé, le système alimentaire, qui était le plus grand émetteur de gaz à effet de serre en 2050, deviendrait, du moins en Espagne, un puits de carbone, avec 116 % d'émissions en moins. Le gaspillage alimentaire serait réduit de plus de moitié et l'accès de la population à une alimentation saine et culturellement adaptée serait garanti pour tous, grâce à une alimentation saine pour la planète, privilégiant la consommation d'aliments d'origine végétale, l'augmentation des légumineuses et la réduction des aliments d'origine animale. La pollution de l'eau par les nitrates cesserait d'être un problème, diminuant de 57 %, et la biodiversité serait renforcée. Tout cela générerait une augmentation de 35 % de l'emploi global dans le secteur , ce qui, combiné à des politiques appropriées, favoriserait le renouvellement générationnel et l'inclusion réelle des femmes.

Compte tenu de cet horizon, il est donc urgent d'établir une feuille de route claire, assortie d'une gouvernance participative : articuler ressources, financements, processus délibératifs et politiques publiques cohérentes et ambitieuses favorisant la création de réseaux sociaux solides pour soutenir les processus de transformation alimentaire à long terme, ainsi que l'intégration de l'alimentation dans des politiques urbaines plus larges, telles que le climat, le logement, les transports et la santé. À défaut, le scénario auquel nous sommes confrontés deviendra de plus en plus insoutenable et aura des conséquences potentiellement catastrophiques.

Voulons-nous manger en 2050 ? Absolument. Transformer l'ensemble du cycle alimentaire de manière holistique, en impliquant toutes les parties prenantes, nous placerait à l'avant-garde de la durabilité environnementale et sociale. Il est plus urgent et nécessaire que jamais de semer des avenirs alternatifs.

Eva Saldaña

Directeur exécutif de Greenpeace Espagne

À propos de @CDOverde

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Cette chronique peut être reproduite librement, en citant ses auteurs et EFEverde.

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